Media : L’Est Républicain 09/11/2005

L’Est Républicain du 9 Novembre 2005

Couverture de l’Est Républicain du 9 novembre 2005

Méditations physiques

Le Parisien Unnatishil Bravo trouve dans l’ultra-marathon le moyen de méditer en courant. Il était hier de passage à la Pépinière pour le 13e de ses 42 marathons en sept mois.

Article de l’Est Républicain du 9 novembre 2005

Une table de camping en guise de point de ravitaillement, un chronomètre bon marché, quelques gobelets en plastique de boisson énergétique et une radio qui passe en boucle des chants spirituels. Le décor a quelque chose de surréaliste, surtout à l’entrée de la Pépinière. Pour la 26e fois, Unnatishil Bravo, le visage dégoulinant marqué par l’effort, passe en courant devant le stand. La dernière. Il vient de boucler 42 km, un marathon, le treizième depuis début septembre. « J’ai décidé d’en faire 42 en sept mois. Ça fait presque un tous les cinq jours. A Nancy, je compte des amis, j’ai donc décidé d’y faire étape. C’est une ville que je connais bien et où’ j’aime flâner », lâche-t-il, l’air de rien. « Mon prochain, marathon, c’est lundi, à New York ». Cet homme-là avale le décalage horaire comme il enchaîne les kilomètres. Pas entraînés, s’abstenir.

Sauf que pour ce Parisien de 47 ans, ancien patron d’un magasin d’articles de… course à pied, ce besoin de courir ne répond à aucune recherche de performance sportive. Au bien-être que le jogging procure, surtout après une bonne douche, certainement un peu. Mais également, bien davantage, à des affinités toutes particulières avec l’exercice de la méditation et de la spiritualité.

En répétant des mantras

Voilà en effet des années que l’ultra-marathonien, adepte des très longues distances (marathon mais aussi 100 km, 24 h, 48 h et même six jours de course), pratique l’art compliqué des mantras et de la méditation avec son maître bengali, Sri Chinmoy. « Je vais le voir à New York, il vient me rendre visite à Paris. Il m’a appris à dépasser mes imperfections, mes doutes, mon insécurité. Et je ressens dans la course à pied quelque chose de profond, proche de la méditation. », explique Unnatishil Bravo. En fait, son vrai prénom, pour l’état civil, c’est Juan. Pas sur sa boîte aux lettres, pas non plus dans la vie de tous les jours où il a banalisé l’utilisation de son surnom spirituel. « Ça veut dire « progrès ». Quand mon maître me l’a donné, j’ai trouvé ça évident. Car à force de courir, je vais toujours plus haut, plus loin, il y a dans cet exercice une sorte de dépassement de soi », confie-t-il.

Une notion qu’il maîtrise d’ailleurs à la perfection, lui qui a survécu à un accident de voiture puis à trois semaines de coma. Il avait alors perdu l’usage de ses jambes, a dû réapprendre à marcher, puis, avec le temps, à courir. Certains verront inévitablement dans son inépuisable soif de course à pied l’expression d’un mode compensatoire, comme pour mieux prendre sa revanche sur une vie qui a bien failli lui échapper. Unnatishil Bravo n’est pourtant pas tout à fait un coureur comme les autres. Quand certains joggeurs éprouvent le besoin de mettre un walkman sur leurs oreilles, lui chante et répète des mantras, sa façon toute personnelle d’oublier et de dépasser la souffrance physique infligée par tant de kilomètres. « Je ne m’ennuie jamais en courant. J’ai trouvé dans ce sport le moyen de vivre sainement. Je suis convaincu que les gens qui courent sont par définition des gens équilibrés ».

C’est en tout cas le message qu’il a communiqué hier soir, dans un hôtel nancéien où il animait une conférence sur le sport et la spiritualité. Comme l’aboutissement de ses méditations physiques matinales.

Unnatishil Bravo, après 26 tours de la Pépinière, confiait : « Je ressens dans la course à pied quelque chose de profond, proche de la méditation ».